Après une extraordinaire campagne en 2008 et une ascension très rapide, dont le départ peut être associé à la convention démocrate de 2004 (Boston, John Kerry devenait le candidat démocrate), Barack Obama découvre depuis trois ans l'ampleur de la tâche à accomplir.
Convenons tout de suite que la frénésie entourant sa candidature a entraîné des attentes démesurées que le candidat n'a jamais tenté, ou si peu, de modérer pendant la campagne. Oui, l'élection de 2008 était historique et "l'ultime barrière raciale" venait d'être franchie. Mais comment pouvait-on croire que l'arrivée d'un seul homme suffirait à corriger rapidement l'un des pires contextes de toute l'histoire américaine. Forcément, Obama a été décevant pour plusieurs. Une déception parfois injustifiée qui ne prend pas en considération toutes les subtilités de l'appareil politique américain et le caractère international de la situation économique. Obama n'a pas été parfait, loin de là, et sa principale faiblesse à mes yeux est étonnante: une communication insuffisante et maladroite. A-t-il démérité au point où on doive maintenant confier la Présidence à un des quatre candidats républicains toujours dans la course? Non. Selon moi, Obama DOIT retourner à la Maison blanche.
Si je reconnais à l'administration démocrate des faiblesses, des faux-pas et un manque occasionnel de cohésion, je crois que le bilan global est positif et qu'Obama, au risque de surprendre certains observateurs, incarne toujours l'espoir. Cette fois, dans une mesure un peu plus réaliste.
En politique étrangère, les "années Obama" peuvent être envisagées positivement. Surtout si on est citoyen américain. Plusieurs ont questionné la pertinence du Nobel attribué au jeune Président. Pourtant, l'arrivée au pouvoir du premier Président noir marque un changement de cap intéressant et généralement bien reçu. L'unilatéralisme républicain remplacé par le dialogue et la recherche de compromis, sans pour autant baisser les bras devant la menace. Une approche pragmatique, à la mesure de la réelle puissance des États-Unis et des limites budgétaires. Sortie d'Irak, fin du régime Kadhafi et élimination de Ben Laden, autant de dossiers qui ont des retombées certaines au pays (pensons sondages et appuis). Bien sûr la situation afghane, les relations avec le Pakistan et l'Iran peuvent revenir hanter le candidat démocrate pendant la campagne. Tout comme la question des détenus de Guantanamo, un épineux dossier, un boulet à la cheville d'Obama qui, de manière électoraliste, avait fait la promesse de régler le dossier. Globalement, dans un contexte international instable, Barack Obama a "fait le boulot".
Là où le bilan est mitigé, et là ou se jouera fort probablement la prochaine élection, c'est dans la relance de l'économie américaine, donc en politique intérieure. La situation est plus stable, mais la création d'emploi est au point mort. Est-ce à dire qu'Obama n'a pas une bonne approche? Après bien des moqueries sur la relance de GM (Government motors), Obama peut se targuer d'avoir sauvé un symbole américain important. Peu d'économistes aux États-Unis ont dénoncé les politiques de l'administration démocrate, ils ont plutôt reproché la timidité du plan. Bref, il faut faire plus! La réalité du système politique américain explique cette relative timidité. Le Président, surtout lorsqu'il est minoritaire au Congrès (ou dans une des deux chambres) a des pouvoirs limités au plan économique. Il se contente de présenter son "plan de match" et d'assumer, lorsque c'est possible, un certain leadership. Impossible de nier que l'exécutif a été victime d'une Chambre des représentants dominés par des républicains grandement influencés par des élus membres du célèbre Tea party. Selon tous les sondages, les membres du Congrès déçoivent bien plus que le Président.
En politique intérieure, on relancera également le Président sur la couverture universelle des soins de santé. Le fameux Obamacare est insuffisant et maladroit, mais il s'agit tout de même d'un pas historique. On a évoqué cette possibilité pour la première fois il y a cent ans sous Theodore Roosevelt! Difficile d'imaginer un pays occidental et civilisé qui laisserait une part importante de ses habitants sans accès à des soins de santé. Un deuxième mandat est nécessaire pour ne pas sacrifier les petits acquis des deux dernières années. Un changement de majorité à la Chambre n'est probablement pas envisageable, raison de plus pour maintenir un équilibre avec un Président démocrate. Il faudra également avoir à l'oeil le jugement de la Cour suprême dans ce dossier.
Obama DOIT-il gagner en présentant son bilan? Oui, mais il y a plus. La faiblesse des candidatures républicaines est ahurissante! Le GOP est un grand parti, mais il souffre de la division des dernières années. Qui veut se risquer à sa tête alors que l'influence et les attentes du Tea party sont irréalistes (qui veut vraiment du siège d'un Président dont la marge de manoeuvre est aussi limitée pourrait-on également se demander)? Le Tea party rapporte des votes (ce ne sera peut-être plus le cas cette année), mais il constitue un handicap sérieux pour le parti. Le speaker républicain John Boehner peine à les faire "entrer dans le rang", une situation de plus en plus évidente. Je ne peux croire qu'on fera des Gingrich, Paul et Santorum un candidat sérieux au plan national. Voter pour Romney, un moindre mal, c'est voter pour une version diminuée de Barack Obama. Rappelons que Romney fut le Gouverneur républicain d'un état qui n'est pas conservateur. Plusieurs de ses projets ne sont pas si loin de la "manière Obama"...
Finalement, Obama DOIT gagner parce qu'il constitue un excellent modèle dans une période marquée par une crise de confiance à l'égard de la classe politique. Si des hommes intelligents et intègres ne peuvent bénéficier d'une seconde chance, l'espoir s'éteint. Que peut-on reprocher à Obama le politicien, l'homme, le mari et le père de famille? Bien peu de choses... Dans une période où on mentionne souvent la moralité et l'éthique, j'attends qu'on me présente un autre politicien de même nature... Obama représente ce que les États-Unis peuvent offrir de mieux, une histoire comme on les aime généralement. Un homme ordinaire, mais intelligent et plein de ressources, formé dans les meilleures universités et très impliqué socialement. Il n'est pas issu d'un milieu particulièrement fortuné et son arbre généalogique est complexe, comme celui de millions d'américains. Son ascension n'est pas entachée par des scandales. Vous pourriez me citer le nom de Tony Rezko (promoteur immobilier de Chicago)ou élaborer sur ses relations avec un pasteur "radical", mais rien de tout ça ne tient la route jusqu'à maintenant.
La famille Obama est exemplaire et ce, malgré l'attention soutenue des journaux et des revues à potins. Je termine la lecture du livre The Obamas de Jodi Kantor (NY Times) et le couple Obama forme une très solide équipe confrontée à toutes les réalités de parents ordinaires, mais dans un contexte qui ne l'est pas. Depuis 2004, on a RIEN trouvé sur le candidat et/ou le Président Obama. Combien de politiciens peuvent présenter pareille feuille de route?
Plus admirable encore, jamais depuis 2004(il a été confronté à la brutale machine Clinton et, plus tard, aux attaques du Tea party teintées de racisme,) je n'ai senti Obama en perte de contrôle. Il est calme, posé et réfléchit (froid selon certains). Il a toujours affiché la stature d'un chef d'état et jamais il ne se roule dans la fange malgré les insultes de ses opposants et les tactiques déloyales. Il a montré récemment qu'il est en mesure d'être ferme et d'appuyer ses convictions par des gestes, offrant d'abord des possibilités de compromis.
Obama n'est pas le messie annoncé en 2008 et son bilan n'est pas parfait. Mais quelles sont les alternatives sérieuses dans un pays sur la corde raide en politique étrangère et qui se remet péniblement d'une grave crise économique? Un candidat républicain représentant un parti faible et handicapé par son aile la plus radicale? Pas selon moi. Dans les circonstances, je préfère l'homme intelligent et réfléchit qui a su apprendre rapidement, et à la dure, les rouages complexes du système. Je préfère celui à qui on accorde moins de temps qu'on en a accordé à Franklin Delano Roosevelt pour sortir la nation de la crise. Je préfère celui qui me présente des États-Unis qu'on peut parfois admirer, pas ceux de l'ère Bush qu'on a tellement détestés partout sur la planète.
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